Moyen Âge
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Ce catalogue de l’administration japonaise du début du xie siècle a été établi sur l’essentiel de la documentation disponible, textes législatifs du VIIIe au XIe siècle et notes journalières de hauts dignitaires et fonctionnaires des Xe et XIe siècles, pour donner un tableau des institutions centrales, organes inscrits dans les codes promulgués au début du VIIIe siècle et organes créés postérieurement avec les compétences de chacun telles que décrites dans les codes et telles que mises en application au début du XIe siècle, de façon à faire apparaître l’étiolement de beaucoup d’entre eux et les transformations subies par le régime des codes. Environ mille fonctionnaires, grands et petits, passent dans ces pages avec ce qui peut être reconstitué du déroulement de leurs carrières. Les mieux connus sont ceux de la couche supérieure dont l’accès tend de plus en plus à se fermer, l’hérédité plus que le mérite devenant un facteur essentiel dans les nominations et promotions. Les hauts dignitaires n’ont plus une expérience directe de la province et consacrent une part grandissante de leur temps à l’aspect cérémoniel et rituel de leur fonction. Ils ont renoncé à tout contrôler dans le détail dans le pays comme les codes semblaient leur en faire une obligation. C’est donc par d’autres voies qu’ils conservent leur autorité. Une grande partie des fonctionnaires moyens sont devenus leurs clients. Ils choisissent parmi eux les gouverneurs de provinces qui large autonomie et responsabilité sont consenties. En ce début du xie siècle, apogée des régents Fujiwara, les institutions des codes sont toujours vivantes, l’action des gouverneurs de provinces fait toujours l’objet d’une évaluation, ais les facteurs de dégénérescence sont présents, les dérives du système fiscal, l’hérédité qui empêche toute mobilité sociale et à chaque génération rejette des hommes. Ils n’ont d’autre choix que d’aller chercher fortune dans les provinces. Les conséquences devaient apparaître au siècle suivant avec le développement du monde des guerriers.
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L'épigramme latine Uirgo parens, qui eut - cette étude le montre - un réel succès durant de longs siècles, a aujourd'hui subi un sort bien injuste. Il est donc intéressant de la revisiter et de lui redonner son lustre. C'est à cette tâche que s'emploie Annette Brasseur en établissant l'édition complète de toutes les rédactions connues de l'épigramme, soigneusement replacées dans leur contexte et accompagnées de leur traduction, de commentaires historiques, littéraires, ainsi que d'index exhaustifs. Une réflexion doctrinale très profonde, brillante illustration de la foi en l'unité de Dieu et en la virginité de sa Mère, y est formulée avec beaucoup d'élégance. Tout en rendant palpable la dévotion des premières générations de chrétiens, elle ne peut manquer de retenir l'attention de nos contemporains que les grandes questions traitées dans ce texte n'ont pas fini de tourmenter. La part de mystère qui entoure encore son auteur (Grégoire le Grand, saint Jérôme, un certain Andreas Orator, un anonyme ?) fait le charme de sa lecture et lui donne un goût d'éternité.
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Ce deuxième volume des Centuriae Latinae, dédié à la mémoire de la regrettée Marie-Madeleine de La Garanderie, vient compléter le premier volume, offert à Jacques Chomarat. On trouvera ainsi des notices sur Aléandre, Calepin, Pic de la Mirandole et Salmon Macrin, mais également d'autres consacrées à des imprimeurs -Henri Estienne ou Johann Froben -, à des érudits et à des auteurs qu'on ne tient communément pas pour des humanistes - Bucer, Des Masures, Maldonat.
Les cent une notices bio-bibliographiques, rédigées par les meilleurs spécialistes, couvrent à nouveau quatre siècles, du XVe au XVIIIe (à quoi il faut ajouter un passage par le XIIe siècle), une attention particulière étant réservée à l'humanisme français, sans que soit négligée la dimension européenne. Chaque notice de cet instrument de travail est terminée par une bibliographie des oeuvres et des études ; un index cumulatif des deux volumes achève d'en faire un ouvrage de référence cohérent.
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Traduction anonyme en vers et en prose de la Consolatio Philosophiae de Boèce, Le Livre de Boece de Consolacion date d'environ 1350-1360. Il s'agit de la traduction française la plus répandue au XVe siècle, connue dans soixante-cinq manuscrits. Elle n'est pas sans rapport avec deux traductions antérieures, déjà éditées, Li Livres de Confort de Philosophie, traduction en prose de Jean de Meun, et Boeces: De Consolacion, une traduction anonyme en vers et en prose.
La genèse du texte est complexe. A la première version connue fut d'abord ajouté le prologue de Jean de Meun. Ensuite y furent incorporées des gloses dérivant du commentaire latin de Guillaume de Conches. Ainsi Le Livre de Boece de Consolacion existe-t-il dans deux versions : avec et sans gloses. L'édition critique que donne Glynnis M. Cropp de la version glosée, d'après le manuscrit de base Auckland, City Libraries, Med. MS G 119, rend également compte des variantes contenues dans les manuscrits de contrôle de la version plus ancienne, en dépit du fait qu'elle soit démunie de gloses. Introduction, leçons rejetées et variantes, notes, appendices, table des noms propres et glossaire complètent l'édition du texte.
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A Arles au tournant du xiiie siècle, Gervais de Tilbury compile en latin ses Otia imperialia. Il clôt cette vaste encyclopédie de science profane par un recueil original de mirabilia de diverses provenances, certains étant même puisés dans son expérience personnelle. L’ouvrage, dont le contenu séduit aussitôt, connaît pendant des générations un succès indubitable qu’atteste le nombre des manuscrits subsistant comme le souci qu’on a eu de le faire traduire. Deux de ces traductions nous sont parvenues : l’une probablement faite par Jean d’Antioche, plus connu pour avoir donné en 1282 une Rettorique de Marc Tulles Cyceron, l’autre, autonome, exécutée par le prolifique Jean de Vignay dans les années 1320. Elles constituent un témoignage précieux non seulement de la langue française, mais aussi de la pratique d’un genre prenant son essor et manifestant alors le tempérament du traducteur. L’édition de Cinzia Pignatelli et de Dominique Gerner, qui a l’intérêt de donner en regard les deux versions de la troisième partie des Otia, en autorise une comparaison instructive.
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Un médiéviste pourrait sourire aujourd'hui encore de savoir qu'en 1970 Julia Kristeva donnait une lecture sémiologique de Jean de Saintré d'Antoine de La Sale, parce qu'il se serait agi du « premier roman français écrit en prose ». On verra combien cette approche était neuve et juste. Cependant ni « la valeur personnelle de l'auteur », ni « l'importance esthétique de l'œuvre » ne l'intéressaient. Tout au contraire, c'était « plutôt par leur anonymat, ou si l'on veut par leur « insignifiance » que ces écrits mérit[ai]ent notre attention comme lieu d'un changement structural ». De façon contradictoire, le présent ouvrage entend montrer combien les textes d'Antoine de La Sale sont structurellement liés à la présence très forte, au cœur de l'œuvre ou dans son cadre, de la persona construite par l'auteur. Nul anonymat par conséquent. Quant à la question de l'insignifiance, Sylvie Lefèvre ne prétend pas qu'Antoine fut toujours un écrivain exceptionnel, mais qu'il demeure un auteur d'exceptions, oui. Son enquête sur la fabrique de l'œuvre s'articule autour de la signature, de la lettre et du recueil et est conditionnée par un retour au manuscrit, en amont des éditions modernes. En surgissent des stratégies de mise en page comme de mise en texte qui se révèlent toujours significatives.
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L'important recueil de poésies conservé dans Oxford, Bodleian Library, Douce 308, copié vers 1310, est le seul chansonnier des trouvères dont les pièces soient classées par genre, de préférence à d'autres critères. Sous la rubrique “Ci en comancent les balletes” sont regroupés cent quatre-vingt-huit textes anonymes, destinés à la danse bien que la musique n'y figure pas.
Les ballettes ont joué un rôle déterminant dans le développement du lyrisme médiéval, notamment dans la genèse des formes fixes à refrain du XIVe siècle. Composé principalement de pièces uniques, le recueil qu'éditent Eglal Doss-Quinby, Samuel N. Rosenberg, et Elizabeth Aubrey illustre une tradition lyrique élaborée en Lorraine, contemporaine du grand chant courtois des trouvères, mais que n'avaient pas reconnue, au XIIIe siècle, les compilateurs de chansonniers conventionnels.
Précédée d'une introduction examinant avec méthode les problèmes de définition que pose le répertoire, cette édition critique rigoureuse est systématiquement enrichie de la traduction anglaise des ballettes et, pour vingt-six chansons, de la musique qui leur revient et a été identifiée dans d'autres sources manuscrites.
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La Vie seint Marcel de Lymoges, témoin capital de la première prose hagiographique française, raconte la légende de saint Martial, évangélisateur de l’Aquitaine et fondateur de l’évêché de Limoges. Martial, baptisé en présence du Christ et promu témoin de la Résurrection, partage avec les apôtres les pouvoirs que ces derniers reçurent du Saint Esprit. Sur l’injonction du Christ qui lui est apparu, saint Pierre, proche parent de Martial, envoie le jeune confesseur à Limoges pour convertir les païens et les préserver du diable. Ainsi commence le récit des guérisons miraculeuses, des exorcismes, des résurrections spectaculaires que ses Vitae attribuent à Martial. A la fin, l’âme du saint homme monte en apothéose au ciel.
Au d©but du XIIIe siècle, Wauchier de Denain, un des premiers prosateurs français à l’origine des grandes entreprises d’établissement de légendiers en langue vernaculaire, adapte la Vita sancti Martialis episcopi Lemovicensis récemment attribuée Adémar de Chabannes. Molly Lynde-Recchia en donne la première édition critique, qu’elle fait précéder d’une introduction sur les origines du culte de saint Martial de Limoges et la controverse qui s’y attacha.